Pour ce semestre, et comme il n'est pas question que j'enseigne plus d'un semestre à ***********, on m'a donné carte blanche pour construire mon cours. Un cours éphémère qui ne me survivra pas. Pour un jeune prof de mon âge, c'était une belle aubaine.
J'ai choisi de faire dialoguer des textes de Michel Foucault et des extraits de documentaires tournés par Raymond Depardon.
J'ai toujours été fasciné par le travail de Depardon. J'avais vu plusieurs fois Délits flagrants et Urgences en salle. Puis je m'étais procuré une édition de DVD sortis chez ARTE. Puis ce fut son film consacré à la campagne électorale de Giscard, qui resta longtemps dans les caisses du cinéaste à cause de fortes pressions politiques. J'avais vu ses fictions aussi, que j'aimais moins, hélas. J'aurais voulu tout aimé chez Depardon. J'ai fait un effort pour la fiction, mais je n'y suis pas arrivé. Enfin ce furent Profils paysans et 10è chambre, il y a deux ans.
C'est le travail de montage qui naturellement me captiva dès la première rencontre. Je pensais que son travail de montage était éminement politique. Dans toutes ses interviews il ne parlait que d'une chose: son travail de photojournaliste, sa grande gloire. Il hésite toujours à parler de cinéma, et les mots "metteur en scène" ou "filmmaker" l'ont toujours mis mal à l'aise (moi je choisirais le titre de Bresson, "auteur de film"; mais je sais qu'il détesterait ça.). L'homme en action, le regard-témoin, montrer pour faire prendre conscience, scruter des lieux intérieurs (commissariats, hôpitaux, tribunaux) pour les montrer aux gens "du dehors", à nous, qui voisinons ces espaces dont on ne sait rien. Dans tous ses films, il fait un contre point avec l'extérieur: Délits flagrants et la séquence au lever du jour où un pont de la Cité se remplit de parisiens qui vont travailler et marchent, insouciants, au-dessus des tunnels qui relient le parquet à un centre de détention.
Ce lien intérieur/extérieur, ces lieux cachés, lieux de dressage m'avaient redonner envie de reprendre Foucault dans le texte. Et je suis parti sur ce cours.
Fin de semestre. Je visionne un extrait d'Urgences que je passerai mardi matin. Comme je n'ai pas d'autres films à regarder, je me repasse tout le film. Et là, paf: Depardon, épisode 2.
Tout ce semestre, je l'ai axé à l'inverse de ce que je voulais dire, de ce que j'avais senti. J'ai intellectualisé mon sentiment. C'est la perfection formelle cinématographique de Depardon qui m'intéresse, pas la valeur politique de son travail. Cette structure de plan fixes et de travellings qu'on attend: parcequ'au cinéma, on attend toujours un travelling; c'est étrange, mais c'est comme ça. Les alternances caméra portée/caméra posée. L'intérieur/extérieur mais comme communication d'espaces fictionnels, c'est à dire en communion avec les sentiments portés pas les personn(ag)es. J'aimerai en dégager l'arborescence, le système, le squelette: décortiquer, disséquer le merveilleux.
Bon, ben je crois que j'ai trouvé une piste pour ma thèse. Monsieur Depardon, nous ne sommes pas prêts de nous quitter !!
Je ne suis toujours pas revenu de "Délits flagrants". J'adore ce film-docu !! Il me fascine carrément.
Rédigé par : Matoo | novembre 18, 2005 à 05:05 PM